Alors
que l'Éducation devrait rester de la compétence des États membres, la
Commission européenne oriente de fait les politiques éducatives dans
l'Union.
Depuis la fin des années 1980, les systèmes éducatifs de la plupart
des pays développés sont soumis à de profondes réformes. Ces mutations
expriment une volonté d’ajustement des systèmes éducatifs nationaux aux
nouvelles exigences du capitalisme mondialisé et de ses institutions. Le
nouvel ordre économique impose un nouvel ordre éducatif mondial. Ainsi,
alors que les traités fondateurs de l’Union européenne placent
l’éducation hors du champ de compétence de l’Europe, la Commission
européenne s’érige de fait en force de propositions. Toutes les
politiques éducatives en Europe doivent s’aligner sur les mêmes
postulats : « une école efficace », ouverte aux « partenariats » avec
l’entreprise, largement privatisée et ayant pour finalité l’adaptation à
la compétition économique mondiale. Il s’agit de construire
« l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique
du monde » selon les critères du néolibéralisme qui inspire l'ensemble
des politiques de l'Union européenne.
L'éducation au service du patronat
Certes, les États gardent la compétence en matière d’éducation et de
culture (scolarité obligatoire, formes d’organisation, reconnaissance
des diplômes etc.). Mais, le pilotage de fait des systèmes éducatifs
européens est une réalité avec, comme boussole, l’évaluation comparative
grâce notamment à la mise en œuvre par l’OCDE du système d’évaluation
Pisa, par une volonté d’harmonisation des cursus, des contenus
d’enseignement et des diplômes. Ainsi pour la première fois en France,
la loi Fillon d’avril 2005 s’inscrivait explicitement dans le cadre
européen. Les recommandations du Haut Conseil de l’éducation sur le
« socle commun de connaissances et de compétences » faisaient alors
référence à des recommandations européennes. La loi Peillon dite de
« refondation de l’école » adoptée par le gouvernement Hollande
s’inscrit délibérément dans la même orientation politique.
Il ne s’agit plus d’une « Éducation » au sens traditionnel du terme
(« ex-ducere », c’est-à-dire un processus visant à faire émerger les
capacités créatives de l’individu). Le concept d’éducation est ici
réduit à un processus de formation de la force de travail telle qu’elle
est jugée utile et nécessaire par les idéologues du néolibéralisme : on
n’éduque plus, on forme la « ressource humaine » que constitue
l’individu au service de l’économie et obéissant aux besoins du
capitalisme mondialisé. D’où le remplacement de l’acquisition de savoirs
par celle de « compétences » plus souple et évolutive, dont les
contenus sont définis par le patronat, ne donnant pas lieu à une
validation par le biais traditionnel des diplômes ni à leur
reconnaissance dans les conventions collectives, et liée à la notion de
flexibilité consécutive à la transformation de plus en plus rapide des
contenus et des postes de travail.
Par ailleurs, conformément aux orientations définies par la
déclaration de Bologne en 1999, a été instauré dans la plupart des
universités d’Europe, le système dit « LMD » (licence, mastère,
doctorat) qui fragilise et tend à marginaliser les diplômes nationaux.
Prolongé par la loi LRU1 : principalement axée sur des problèmes de
financement et de gestion, elle constituait de l’aveu même de ses
auteurs une « réforme phare » du quinquennat de N. Sarkozy. Force est de
constater que, pour l’essentiel, la loi Fioraso adoptée dès la première
année du nouveau gouvernement socialiste n’a fait que renforcer ses
principales dispositions.
Une école pour l'émancipation
La politique européenne en matière éducative menace dans ses
fondements même l’organisation et le fonctionnement démocratique du
service public d’éducation nationale, jetant parents, personnels et
élèves dans des situations de dégradation accélérée des conditions
d’apprentissage où la perte de repères stables est de règle. Cette
orientation politique fait consensus entre les forces de la droite
libérale autoritaire et celles du social libéralisme. Mais les
contradictions sont multiples entre d’une part, la volonté des classes
dominantes d’accélérer la mise en œuvre de la réforme dans un contexte
marqué par l’austérité budgétaire, les besoins objectifs du pays à une
élévation généralisée des niveaux de formation des futurs travailleurs,
les réalités d’un échec scolaire massif touchant les populations les
plus défavorisées et les aspirations populaires à la justice sociale – y
compris sur le plan scolaire – qui peuvent se traduire par de nouvelles
explosions revendicatives du monde scolaire et de la jeunesse.
Dans son projet politique adopté au congrès de Madrid (décembre 2013)
intitulé « Unir pour une alternative de gauche en europe », le PGE
(Parti de la Gauche européenne, auquel Ensemble! a décidé de demander
son adhésion) réaffirme sa volonté d’œuvrer contre l’offensive
néolibérale et construire une école qui porte l’émancipation humaine.
C’est aussi notre choix. ;
José Tovar. Publié dans le bulletin Ensemble du mois de mai.
1 Dite par antiphrase « Liberté et Responsabilité des Universités »,
elle place délibérément le financement des universités sous la
dépendance principale du patronat.
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