Face aux effets démobilisateurs de l’action du gouvernement,
Myriam Martin se dit déçue par l’action des frondeurs du PS et invite
les forces de gauche à adopter une position commune claire et radicale.
La porte-parole d’Ensemble !, troisième composante du Front de
gauche, clôt notre série d’entretiens avec les représentants de la
gauche « de gauche ». Pour elle, le rassemblement n’aura pas lieu sans
une nécessaire radicalisation.
Quel regard portez-vous sur cette gauche au pouvoir ?
Myriam Martin : C’est une aberration de dire que ce
gouvernement est de gauche alors qu’il fait une politique qu’aurait pu
mener le pouvoir sarkozyste : une politique libérale, obsédée par cet
horizon indépassable qui consiste à vouloir résoudre la crise du
capitalisme par l’austérité, et qui ne conduit à rien d’autre qu’à
contracter toujours plus l’économie et à accentuer la crise ! Mais le
plus inquiétant, et on l’a vu lors des élections municipales et
européennes, c’est que cette politique a un effet démotivant : les gens
n’y croient plus, ou pire, sont dégoûtés. Je travaille dans le milieu
enseignant, où les gens sont d’ordinaire très engagés, politisés,
syndiqués, et je constate chaque jour combien cette « gauche » donne une
image catastrophique de la politique. Je crains que ce
social-libéralisme, qui ne peut plus se revendiquer d’un héritage, même
récent, des valeurs de la gauche, contribue, comme en Italie, à faire
disparaître la « vraie » gauche. Bref, je tire un bilan très négatif de
ces deux dernières années, et je veux sonner l’alarme : il faut agir
avant qu’il ne soit trop tard.
Pour l’instant, la stratégie « autonomiste » a été un échec – au moins – électoral…
Pourquoi le Front de gauche a-t-il plu à des millions de gens au
moment de la présidentielle ? Non seulement parce qu’il incarnait les
vraies valeurs de gauche, de justice sociale, de résistance, de
solidarité, mais aussi parce qu’il proposait quelque chose de novateur
dans sa manière de faire de la politique : il portait la promesse que
des organisations, avec des histoires et des pratiques différentes,
réussiraient à s’unir. Or, cet espoir a été déçu. Le Front de gauche n’a
pas su se dépasser et a échoué à proposer une organisation politique
nouvelle aux militants qui l’avaient rejoint et soutenu. Il y a un autre
problème : c’est que cohabitent deux orientations incompatibles entre
ceux que cela ne dérange pas d’être associés à cette gauche libérale et
les autres. Moi, je pense qu’il faut vraiment tracer un chemin
indépendant, dire qu’il y a une vraie alternative à gauche. Répéter que
« l’humain d’abord » est en opposition radicale avec la politique
actuelle. Il y a donc un intérêt à s’adresser aux courants critiques des
Verts et du PS, mais seulement s’ils prennent vraiment leurs distances
avec la politique au pouvoir. Pour ma part – je partage cet avis avec le
Parti de gauche –, j’ai été déçue par la fronde des députés socialistes
qui n’ont pas voté contre le collectif budgétaire, le PLFRSS, et la loi
ferroviaire. Les députés PS disaient « vous allez voir », on n’a pas vu
grand-chose. Il faut donc discuter avec d’autres formations d’un pacte
alternatif aux politiques austéritaires, mais on ne peut pas faire
alliance avec ceux qui valident les politiques d’austérité.
Il faudrait que les frondeurs sortent du PS pour que le Front de gauche entame des discussions avec eux ?
Il n’est pas possible qu’ils discutent à la fois avec nous et avec
ceux qui continuent à nous mettre la tête sous l’eau. Ils doivent être
clairs : quand on est contre l’austérité, il faut s’opposer au collectif
budgétaire de manière offensive. Par ailleurs, on ne va pas se plier à
ce que demandent les Socialistes affligés ou Gauche avenir [1]. Si on discute, c’est d’égal à égal.
Le PS fait des appels du pied au PCF et aux Verts. Si le PCF
accepte de se rassembler avec le PS, va-t-on vers la mort du Front de
gauche ?
Nous sommes en effet à un moment charnière. Pour toutes les
composantes de la gauche, d’ailleurs. Au PCF, les choses ne sont pas
tranchées : il y a beaucoup de débats et de positions variées au sein du
parti. Moi, j’estime qu’on ne peut pas tirer les deux bouts quand les
deux bouts s’écartent, que le PCF ne peut pas s’allier avec des gens qui
mènent des politiques qu’il combat à nos côtés ! Je souhaite simplement
rappeler au PCF qu’il appartient à un front commun qui s’appelle le
Front de gauche, et que les votes des députés communistes sont
absolument contradictoires avec ce que fait le PS.
Comment envisagez-vous la rentrée pour le Front de gauche ?
Outre l’université d’été d’Ensemble !, fin août, le conseil national
du Front de gauche, le 6 septembre, et la Fête de l’Huma seront des
moments forts pour discuter de l’avenir du mouvement. Cela nous fera du
bien à tous d’avoir pris un peu de recul. Les militants, je crois, sont
très attachés à l’union du Front de gauche, mais aussi à une certaine
radicalité, à une ligne claire, précise, qui a fait sa force, et qu’il
ne faut pas gâcher.
Propos recueillis par Pauline Graule. Publié dans Politis.
Myriam Martin est porte-parole d’Ensemble !, la troisième composante du Front de gauche.
[1]
Créé en 2007 par Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès, ce club a
récemment tenu une conférence de presse en présence d’Emmanuelle Cosse
et de Pierre Laurent, pour présenter un programme d’union de la gauche.
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